Par Woodbrass Team
La veille, le métal était à l’honneur et le public était quasi-uniquement composé de fans d’Iron Maiden habillés du tshirt de leur groupe fétiche. Pour ce deuxième jour, l’affiche était plus « grand public », présentait plus du double de groupes et a donc attiré un public encore plus nombreux et plus hétéroclite. On y croise des familles nombreuses maquillées aux couleurs de l’équipe de France, des adolescents qui se déplacent en meute, des locaux à l’accent chti bien marqué et des amateurs de musique de tous bords. Main Square, deuxième, on tourne !
Et on commence par un concert qui n’aurait pas fait tâche à l’affiche de la veille, puisque les belges de Triggerfinger donnent dans le rock bluesy à consonances stoner. Ils ont beau n’être que trois, ils occupent très bien l’espace (en particulier le guitariste et chanteur Ruben Block qui arpente la scène de long en large) et leurs riffs taillés pour la route n’ont aucun mal à convaincre le public. On sent qu’ils n’étaient pas forcément en terrain conquis puisque personne ne reprend les chansons en cœur, mais les Triggerfinger vont chercher le public et le trouvent. C’est ça de savoir tenir un public… Côté matos, on sent bien que les trois membres du groupe sont des collectionneurs de belles choses. A la batterie, Mario Goossens joue sur une vieille Gretsch orange pailletée avec cymbales Sabian. A la basse, Paul Van Bruystegem joue sur deux stacks Hiwatt de 200 watts chacun (à lampes s’il vous plaît), sur lesquels il branche deux Rickenbacker 4001 (une Fireglo et une Mapleglo), une Fender Precision naturelle et une Fender Jaguar Bass sunburst. Enfin, pour la guitare, Ruben a carrément trois amplis (tête Hiwatt, Fender Twin Reverb et Victoria Deluxe tweed) pour un véritable défilé de pièces de musée : Gibson Melody Maker SG verte des années 60, Gretsch Anniversary verte aussi, Gretsch Corvette Princess (originale des années 60 ou commande spéciale au Custom Shop ? Elle paraissait quand même bien neuve…), et enfin une Telecaster shoreline gold sortie tout droit du Custom Shop Fender. Bref, le groupe a de quoi ouvrir un beau magasin, et quitte la scène en remerciant son équipe technique, fait suffisamment rare pour être apprécié.
Imaginons des dragons
Pendant la pause, on fait le tour des stands, et on retrouve Fréderic et Jeremy du call center Woodbrass qui animent le Drum-o-Meter. Record du jour ? 847 coups de double pédale en une minute : il y a des vocations dans le speed métal qui se créent ! Changement de décor radical pour le groupe qui rend les américains fous à l’heure actuelle, et qui à en juger par le nombre de spectateurs venus spécialement pour eux commence aussi à s’imposer en France : Imagine Dragons. Leur tube Radioactive (sur lequel ils finiront leur concert) a obtenu le Grammy de la meilleure performance rock, et il faut dire qu’ils représentent un genre mutant, mélangeant rock grandiloquent à la Arcade Fire, mélodies pop à la Coldplay, guitares bruitistes à la Radiohead, percussions de musique du monde ou pas encore musique électronique. Le secret, c’est que ça donne un tout cohérent, ce qui vu la variété des couleurs est une vraie réussite. Rien que dans leur manière d’occuper la scène, Imagine Dragons installe une ambiance avec des percussions dans tout les sens, dont deux énormes tambours. Le bassiste jour sur un stack Orange, et un deuxième guitariste alterne entre Telecaster rouge, mandoline, Takamine noire électroacoustique et claviers. Le guitariste principal a choisi un Vox AC30 et deux Matchless, et nous régale visuellement par ses trois guitares, des modèles uniques fabriqués par la marque boutique Bilt de l’Iowa. Deux sont métalliques et entièrement dorées (oui, y compris la touche !), l’une de forme Jazzmaster (celle-ci a une ouïe apparente et surtout un Korg Kaoss Pad intégré) et l’autre Starcaster, et la troisième, de forme Jazzmaster elle aussi, est de couleur dorée mais sur une base de bois et avec touche palissandre. Le groupe se comporte déjà comme une tête d’affiche dans son professionnalisme, et on sent bien qu’il est parti pour rejoindre le club très fermé des superstars mondiales dans pas très longtemps.
L’assassinat de Franz Ferdinand
Comme un signe du destin, la toute dernière note de Radioactive s’éteint et la pluie commence immédiatement à tomber. Le temps était menaçant depuis le matin, et une véritable tempête d’une demie heure transforme le Main Square en festival de la boue. Ça n’est pas le genre de chose qui effraie un écossais, et les Franz Ferdinand montent donc sur scène comme prévu avec la mission de sécher et de réchauffer les festivaliers désemparés. En trois titres, ils mettent tout le monde d’accord avec leur rock aux accents punks dansants dans la lignée de The Clash. Pour la première fois du festival, les guitaristes ne sortent pas tous leurs jouets, et les deux ne garderont qu’une guitare pour tout le set : Gibson SG Special blanche à deux P90 pour Nick McCarthy, et son inséparable Fender Telecaster Custom marron à deux humbuckers pour le chanteur Alex Kapranos. Le premier fait une petite infidélité à sa SG pour un clavier Moog le temps d’une chanson. L’enchaînement des deux énormes tubes du groupe, Take Me Out et Love Illumination, achèvent de mettre le public à genoux et fait oublier les intempéries.
Anna Calvi n’est pas finie
Plutôt que d’attendre une heure l’arrivée des Black Keys sur scène, allons donc faire un tour sur l’autre scène, puisque l’anglaise Anna Calvi y donne elle aussi un cours de Telecaster, sur une standard sunburst maple et une Custom à un humbucker en position manche, les deux branchées sur un Vox AC30 rouge de toute beauté. J’avoue que je ne la connaissais que de nom, mais je suis déjà fan ! Ce concert a suffi à me convertir à sa pop indie sombre et fascinante. Les compos sont magnifiques, sa voix est à tomber, et son jeu de guitare la synthèse idéale de la violence d’un Sonic Youth et de la douceur d’une Joni Mitchell, en tout aussi bizarre. Son groupe n’est pas commun : il y a un batteur qui fait les chœurs, un claviériste qui fait de la basse sur un titre, et une femme à tout faire, qui passe de la Telecaster butterscotch au marimba en passant par les percussions et l’harmonium. Le temps d’un morceau, Anna passe sur une Gretsch baryton et nous plonge en plein film noir : sa maîtrise des ambiances force le respect. Si elle passe pas loin de chez vous, n’hésitez pas une seule seconde, ça vaut le coup !
Les Black Keys sont des stars
Le temps que Anna termine son excellente reprise du Jezebel de Frankie Lane et nous ratons l’ouverture du concert des Black Keys sur la scène principale. On se dépêche donc, et on réalise avec horreur que les écrans géants ne fonctionnent plus. Vu le monde, il n’est pas aisé de se frayer un chemin et on regarde donc d’assez loin la splendide décoration avec des lumières partout en fond de scène. La Ludwig de Patrick Carney est elle aussi décorée comme pour noël, avec plein de jolies couleurs pailletées. Dan Auerbach est en voix comme toujours, et il tire des sons bien fuzzy de ses guitares de choix : Guild électrique, Kay et Airline, que des vieilleries que l’on pouvait trouver pour deux bouchées de pain il y a quelques années, avant que les Whites Stripes et Black Keys de ce monde ne les mettent à la mode. Il sort aussi un dobro pour le magnifique Little Black Submarines à la fin du concert, et on se rend alors compte qu’il s’agit du seul vrai moment intime de cette performance. Les Black Keys ne sont plus deux (il y a en plus un bassiste et un claviériste), ils ne font plus de blues roots et à l’arrache et leurs hymnes néo-disco laissent peu de place à la finesse. Alors forcément, vu qu’on est dans un festival et que les Black Keys ne jouent plus que pour des publics bien fournis, on se prend à rêver des les voir dans un petit club, entre connaisseurs, pour se replonger dans l’ambiance crasseuse de leurs débuts. Enfin, c’est le pape du dubstep, le DJ Skrillex, qui est chargé de clore les festivités sur la scène principale, et il ne s’est pas fait prier : mise en scène énorme (à base de petits hommes verts et de vaisseaux spatiaux), harangue permanente du public, très gros sons infra graves qui font remuer les boyaux et déchirements aigus qui font crisser les dents étaient tous au programme. La musique de Skrillex est extrême, et elle a transformé le Main Square en discothèque géante pendant une heure et demie. Ça fait bizarre de se dire qu’à lui tout seul, ce post-ado de 26 ans fait danser 40 000 personnes tous les soirs…
Les Black Keys et leurs écrans géants plongés dans le noir…
Skrillex sur son vaisseau spatial.
Dans les festivals, certains inscrivent ce qu’ils pensent sur un bout de carton pour le montrer au groupe qui joue. Certains n’ont rien à dire, mais ils l’écrivent quand même !
L’entrée des festivaliers se fait par ce petit pont. D’ici, on entend les crapauds coasser.